Pour beaucoup, les évènements tragiques qui se passent chaque jour en Palestine sont à la fois proches et lointains. Proches car pour tous les musulmans de la planète les palestiniens représentent nos frères et lointains car le conflit se déroule à plus de 3000 km de la France. L’insupportable attaque de la bande de Gaza en 2008 a déclenché un vent de protestations dans le monde entier et un total immobilisme de la part de la communauté internationale en terme de sanctions.

Il faut savoir que la détresse des palestiniens ne réside pas uniquement dans ces horribles attaques mais également dans des persécutions quotidiennes. Celles-ci sont très peu médiatisées, l’opinion publique a donc du mal à jauger cette souffrance. Jusqu’à ce que des ex-combattants de Tsahal brisent la loi du silence et révèlent le calvaire qu’ils ont fait vivre aux villageois palestiniens.

L’ONG Breaking the silence a recueilli les témoignages suivants :

« Une nuit, nous avons l’ordre d’entrer de force dans une clinique d’Hébron qui appartient au Hamas. On confisque l’équipement : ordinateurs, téléphones, imprimantes, d’autres choses, il y en a pour des milliers de shekels. La raison ? Toucher le Hamas au portefeuille, juste avant les élections du Parlement palestinien, pour qu’il perde. Le gouvernement israélien avait officiellement annoncé qu’il n’allait pas tenter d’influencer cette élection… »

« On a tué un type par pure ignorance »

« On ne savait pas que, pendant le ramadan, les fidèles sortent dans la rue à 4 heures du matin avec des tambours pour réveiller les gens, qu’ils mangent avant le lever du soleil. On identifie un type dans une allée qui tient quelque chose, on lui crie “stop”. Là, si le “suspect” ne s’arrête pas immédiatement, la procédure exige des sommations. “Arrêtez ou je tire”, puis on tire en l’air, puis dans les jambes, etc. En réalité, cette règle n’est jamais appliquée. On l’a tué, point. Et par pure ignorance des rites locaux. »

« Les paysans en larmes »

« Nos excavateurs dressent une barrière de séparation en plein milieu d’un champ de figuiers palestinien. Le paysan arrive en larmes : “J’ai planté ce verger pendant dix ans, j’ai attendu dix ans qu’il donne des fruits, j’en ai profité pendant un an, et là, ils me le déracinent !” Il n’y a pas de solution de replantage. Il y a des compensations seulement à partir de 41 % de terre confisquée. Si c’est 40 %, tu n’as rien. Le pire c’est que peut-être demain ils vont décider d’arrêter la construction de la barrière.»

« Rendre ses galons, redevenir soldat »

« On installe des check points surprises. N’importe où, ça n’est jamais clair. Et soudain on arrête tout le monde, on contrôle leur permis. Il y a, là, des femmes, des enfants, des vieux, pendant des heures, parfois en plein soleil. On arrête des innocents, des gens qui veulent aller travailler, trouver de la nourriture, pas des terroristes… J’ai dû le faire pendant cinq mois, huit heures par jour, ça m’a cassé. Alors j’ai décidé de rendre mes galons de commandant. »

« Notre mission : déranger, harceler »

« On est à Hébron. Comme les terroristes sont des résidents locaux et que
notre mission est d’entraver l’activité terroriste, la voie opérationnelle c’est de quadriller la ville, entrer dans des maisons abandonnées, ou des maisons habitées choisies au hasard – il n’y a pas de service de renseignement qui nous pilote –, les fouiller, les mettre à sac… et ne rien trouver. Ni armes ni terroristes. Les habitants ont fini par prendre l’habitude. Ils sont irrités, dépressifs, mais habitués car ça dure depuis des années. Faire souffrir la population civile, lui pourrir la vie, et savoir que cela ne sert à rien. Cela engendre un tel sentiment d’inutilité. »

« Les punitions collectives »

« Mes actes les plus immoraux ? Faire exploser des maisons de suspects terroristes, arrêter des centaines de gens en masse, yeux bandés, pieds et mains liés, les emmener par camions ; pénétrer dans des maisons, en sortir brutalement les familles ; parfois on revenait faire exploser la maison ; on ne savait jamais pourquoi telle maison, ni quels suspects arrêter. Parfois, ordre nous était donné de détruire au bulldozer ou aux explosifs l’entrée du village en guise de punition collective pour avoir hébergé des terroristes. »

« Protéger des colons agressifs »

« On débarque dans le district de Naplouse pour assurer la sécurité des colons. On découvre qu’ils ont décidé d’attaquer Huwara, le village voisin, palestinien. Ils sont armés, jettent des pierres, soutenus en cela par un groupe de juifs orthodoxes français qui filment, prennent des photos. Résultat : on se retrouve pris entre des Arabes surpris, terrorisés, et notre obligation de protection des colons. Un officier tente de repousser les colons dans leurs terres, il reçoit des coups, il y a des tirs, il abandonne. On ne sait plus quoi faire : les retenir, protéger les Palestiniens, nous protéger, une scène absurde et folle. On a fini par faire retourner les agresseurs chez eux. Une dizaine d’Arabes ont été blessés. »

« Assassiner un homme sans armes »

« On est en poste dans une maison qu’on a vidée de ses occupants, on soupçonne la présence de terroristes, on surveille, il est 2 heures du matin. Un de nos tireurs d’élite identifie un mec sur un toit en train de marcher. Je le regarde aux jumelles, il a dans les 25-26 ans, n’est pas armé. On en informe par radio le commandant qui nous intime : “C’est un guetteur. Descendez-le.” Le tireur obéit. J’appelle cela un assassinat. On avait les moyens de l’arrêter. Et ça n’est pas un cas unique, il y en a des dizaines. »