A 3 jours de l’entrée en vigueur de la loi interdisant le port du voile intégral dans les espaces publics sur le territoire français, voici le témoignage de deux soeurs qui nous racontent comment elles vont gérer cette situation.

Aya, une Française convertie à l’islam, et Oum Isra, musulmane franco-marocaine, n’ont pas l’intention de défier la loi sur le voile intégral, en vigueur à compter du lundi 11 avril, mais elles prévoient de sortir le moins possible pour ne pas être contraintes d’ôter leur niqab.

« Je sors déjà rarement de chez moi mais ce sera encore beaucoup plus rare », affirme Hélène, 23 ans, qui a adopté le prénom de Aya (verset coranique).

Et puis, confie-t-elle au téléphone à un journaliste de l’AFP, « si l’islam continue d’être stigmatisé » et « si les conditions de vie des musulmans se compliquent ici », elle ira s’installer en Algérie, d’où est originaire son mari.

N’hésitant pas à le présenter comme un « salafiste », elle assure qu’il ne lui a pas imposé le niqab, « puisque », dit-elle, « je le portais avant même de le rencontrer ».

C’est en pleine crise d’adolescence, à 14 ans, que la collégienne de Sens, de « parents athées », s’est mise « en quête de spiritualité ».

« J’ai d’abord lu Les Evangiles mais c’est dans le Coran que j’ai trouvé la réponse à mes interrogations », se souvient Hélène.

La jeune Bourguignonne qui déjà n’avait jamais bu une « goutte de vin » commençait alors son parcours de convertie en arrêtant de consommer de la viande de porc, interdite par l’islam, puis en observant le mois de jeûne du ramadan.

Trois ans après avoir adopté le régime alimentaire halal, Hélène a commencé à faire la prière, puis à porter le voile « par étapes ».

« J’ai commencé par mettre un bandana, puis un foulard avec tunique sur le pantalon et en 2005 je me suis mise en niqab, en apprenant que c’est le voile porté par les épouses du prophète. Mais je le mettais seulement de temps en temps parce que c’est difficile de le porter en province », explique-t-elle.

En région parisienne où elle s’est installée après son mariage en 2006, « c’est moins visible ». Depuis 2007, la jeune épouse se drape du niqab « pour toutes les sorties » mais pas lorsqu’elle se rend chez ses parents: « Je le retire avant de rentrer chez eux, je veux ménager ma mère », se justifie-t-elle.

Depuis qu’elle porte le niqab, cette babby-sitter n’arrive pas à trouver de travail comme garde bébé. « Même dans les familles musulmanes », souligne-t-elle.

Un témoignage confirmé par celui d’Oum Isra, étudiante franco-marocaine dont les parents, « musulmans pratiquants » pourtant, « ne sont pas contents » de la voir se couvrir du niqab qu’elle a adopté « juste depuis l’irruption de ce sujet dans le débat public ».

Oum Isra (prénom évoquant le voyage céleste du prophète) portait jusque-là un « voile fashion » qui cachait ses formes mais pas son visage » et « conjuguant la religion avec la mode ».

Quand l’Assemblée nationale s’est emparée de la question du voile intégral, elle a cherché à « comprendre ».

« J’ai découvert que le niqab était porté par les épouses du prophète et j’ai voulu ressembler à ces femmes les plus pieuses », explique-t-elle en soulignant que « les non-voilées ne sont pas forcément moins croyantes ».

Comme nombre de musulmans nés en France et imitant leurs parents, cette jeune fille de 20 ans observait le jeûne du ramadan depuis son « très jeune âge ».

Elle a commencé à faire la prière, mue par une question obsessionnelle. « Et si mes parents et mes proches disparaissaient? », se demandait-elle. Et de répondre à elle-même: « Il me restera Allah ».

Depuis, sa pratique de la religion est de plus en plus rigoureuse. Pas de discussion avec les garçons, des sorties limitées à des pique-niques, à l’université, et à des échanges de visites avec les « soeurs ».

A l’approche de l’échéance du 11 avril, Oum Isra se dit « réaliste ». « J’essaierai de me retrouver le moins possible en situation de me découvrir ».

Source AFP